Pensée en arborescence : mythe ou réalité ?
La pensée en arborescence :
Quel processus est identifié ainsi ?
Pourquoi ce terme est-il sujet à controverse ?
Les neurosciences se sont beaucoup développées lorsque l’IRM a rendu possible une exploration plus pointue de nos cerveaux. De nombreuses recherches sont en cours afin d’étudier :
- la biologie et le fonctionnement du cerveau de manière anatomique
- la psychologie : pour expliquer les phénomènes jusqu’alors seulement observés (intuition, émotions, stress …)
- Le cerveau est devenu une nouvelle zone inconnue dont l’exploration passionnante ne fait que débuter.
Que disent à ce jour les neurosciences de la pensée en arborescence ?
Une arborescence métaphore ou naturelle ?
Les avis divergent fortement entre les chercheurs biologistes et les psychologues avec quelques bases communes :
Notre pensée est conduite par 3 réseaux neuronaux :
- Le réseau Exécutif : siège du raisonnement logique, de la manipulation d’idées ou de concepts et de la planification.
- Lorsqu’il se met en route, notre attention est tout entière consacrée à une tâche ou un problème à résoudre.
- Le réseau de Saillance : tour de contrôle qui gère et optimise notre attention en fonction des stimuli externes et internes. Ce réseau intervient dans la gestion des émotions et du stress. Grâce à lui, nous optimisons notre comportement affectif et social.
- Le réseau par Défaut : Centre du vagabondage de l’esprit, un véritable langage intérieur se met en route lorsque le réseau Exécutif est au repos : non focalisé sur une tâche précise à accomplir. Vous pouvez l’observer pendant la méditation lorsque ce flot de pensées arrivent alors que vous vous posez.
Ces réseaux sont présents chez tous les êtres humains et s’activent en fonction des besoins.
Des études démontrent que même si ces systèmes existent chez tous,
la biologie du cerveau va être différente selon les individus : la matière grise, la matière blanche et les connexions neuronales vont être plus ou moins optimales.
Ainsi, sont observées entre des individus : des écarts de vitesse de production des idées,
des liens des zones plus ou moins éloignées du cerveau, le nombre de connexions réalisées, la richesse et la variété des éléments stockés.
La pensée en arborescence vue par les scientifiques
D’un point de vue de la recherche anatomique, une pensée est consciente et est le produit des réseaux neuronaux qui eux sont inconscients.
Une pensée est par nature linéaire, elle part d’un point A vers un point B puis C puis D…
Aucune expérience scientifique n’a pu démontrer qu’une pensée se scindait en deux afin de suivre 2 chemins différents.
La pensée consciente est ainsi décrite comme un processus linéaire et analogique.
La rapidité de notre pensée consciente fait que nous avons l’impression que certaines pensées se chevauchent.
Notre perception est que ces idées arrivent en même temps.
Au stade où en sont les recherches actuelles dans ce domaine, la pensée en arborescence serait une métaphore pour évoquer une pensée foisonnante
soit parce qu’elle est riche et rapide, soit parce qu’elle est le résultat du vagabondage de l’esprit.
La vision des psychologues cliniciens
Depuis Sigmund Freud et Carl Jung, les psychologues cliniciens intègrent le processus inconscient à la pensée.
Ainsi, les chercheurs en neurosciences issus de la psychologie clinique intègrent l’ensemble des pensées : conscientes et inconscientes.
C’est bien le mécanisme global qui est évoqué lorsque ceux-ci parlent de pensée en arborescence.
Ainsi :
— Nous utiliserions 100 % de notre cerveau, mais seulement 10 % de manière consciente** – plus nous apprenons, plus nous comprenons, plus nous mémorisons et plus, nous vivons des expériences stimulantes, et plus nous avons de connexions cérébrales.
Ce sont ces connexions qui permettent d’améliorer les capacités cérébrales : raisonnement, déduction, flexibilité, adaptation sociale…
Ici, la pensée en arborescente est décrite comme une pensée foisonnante qui associe
tous les réseaux en opposition à une pensée plus linéaire présente lors de la résolution de problème pas à pas.
Elle permet de réaliser des liens entre les zones éloignées du cerveau.
Avantages observés de l’arborescence
– une pensée rapide, créative et innovante qui sort des sentiers battus
— Une capacité à anticiper très forte des conséquences d’actions ou des décisions.
– un foisonnement d’idées nouvelles très fréquent
– une forte empathie par la perception fine de tous les signes non verbaux
— Une vision à 360 degrés d’une situation : intégration de l’environnement global, y compris des émotions.
Inconvénients de l’arborescence
– Des difficultés à arrêter de penser et à reposer son esprit (terrain propice aux addictions pour se déconnecter)
– Une remise en cause permanente de soi-même et de tout ce qui se passe
— Une impression de procrastination, car les idées sont très nombreuses et fréquentes, mais les passages à l’action rare. L’anticipation exacerbée des risques peut en effet freiner l’exécution.
– Une saturation intellectuelle ou émotionnelle dans certaines circonstances, ce qui peut nuire à la qualité des conclusions tirée ou créer une sorte de bug cérébral
— Des ruminations qui peuvent être très noires lorsque le vagabondage de l’esprit associe de nombreux échecs ou pensées négatives. La créativité de cette pensée et son sens de l’anticipation se retourne alors contre l’individu.
— Un sentiment d’étrangeté (fonctionnement plus rare que la majorité de la population).
Comment bien vivre avec une pensée en arborescence ?
Pour des personnes qui se retrouvent piégés dans ces fonctionnements quasi compulsifs de penser, un accompagnement est souvent nécessaire pour apprendre à :
- ivre au moment présent
- arrêter de tout le temps anticiper le pire
- se détacher du regard des autres
- se focaliser sur un but agréable en lien avec ses besoins propres et pas ceux de l’environnement.
La pensée dite en arborescence est une réalité pour chaque être humain qui l’utilise plus ou moins comme mode préféré.
Attention, penser plus vite, de manière plus large et plus complexe n’implique pas d’avoir toujours raison, notamment dans des moments de saturation émotionnelle.
Comprendre que nos cerveaux ne fonctionnent pas tous de la même façon est essentiel pour nous entendre.
Nous sommes tous différents et complémentaires. C’est la richesse de l’être humain.
Sources :
- Brain meta-state transitions demarcate thoughts across task contexts exposing the mental noise of trait neuroticism (nature communication 2020)
- les philo-cognitifs (éditions Odile Jacob 02/2019)
- trop intelligents pour être heureux (éditions Odile Jacob 03/2008)**
- psychologie du haut potentiel (De Boeck supérieur 2021)