On a trouvé les neurones du temps
Les neurones du temps sont situés dans l'hippocampe, sous la surface du cortex cérebral.DURAND FLORENCE/SIPA
Des chercheurs français et néerlandais sont parvenus à mettre en évidence les cellules du cerveau capables d'encoder le temps.
La machine à voyager dans le temps existe et c’est notre cerveau.
Une équipe de scientifiques franco-néerlandaise a publié dans «The journal of neuroscience» une étude qui décrit pour la première fois la manière dont les neurones encodent le temps
et permettent à l’esprit humain de se remémorer dans l’ordre exact une série d’évènements.
Dirigée par Leila Reddy, chercheuse au CNRS, l’étude a été menée sur des sujets souffrant d’épilepsie réfractaire aux médicaments équipés d’électrodes branchées directement sur le cerveau.
Cette procédure très invasive n’a pas été mise en place spécifiquement pour l’expérience, mais dans le cadre d’une investigation préalable à une intervention chirurgicale pour venir à bout de leur épilepsie.
Les patients ont accepté de se livrer à deux tests très simples mettant en jeu la mémoire :
au cours du premier, ils devaient visionner une série d’images dans un ordre précis en étant interrogés à intervalles réguliers sur l’image qui allait apparaître.
Dans le second, très similaire, des temps de pause de dix secondes sans aucune question ont été introduits.
Les chercheurs ont pu repérer qu’un groupe de neurones bien particuliers situés dans l’hippocampe s’activaient à des moments précis de l’expérience.
Dans le deuxième test, ils ont découvert que ces mêmes cellules s’activaient en l’absence de toute sollicitation de la part des expérimentateurs !
« C'était déjà assez cool de voir des preuves d'un codage temporel lorsque les participants apprenaient l'ordre séquentiel d'une liste d’éléments, explique Leila Reddy dans Vice.
Mais la révélation que les cellules temporelles se déclenchaient encore à des moments particuliers pendant les périodes de pause suggère qu’il existe aussi une représentation d'un flux de temps interne,
qui n’a pas besoin d’être activé par quelque chose qui survient dans le monde extérieur. »
Ces résultats confirment des expériences précédentes menées avec des rongeurs qui avaient permis de repérer dans l’hippocampe ces cellules chargées d’encoder le temps.
Mais beaucoup de questions restent encore en suspens, ajoute Leila Reddy :
« Dans un futur proche, nous allons tenter de comprendre plus précisément comment le temps est représenté dans ces neurones.
Par exemple, les évènements longs et les évènements brefs sont-ils encodés dans des types spécifiques de cellules temporelles ?
Ces cellules peuvent-elles s’adapter à différentes échelles temporelles en fonction du contexte ? »
À terme, c'est le fonctionnement de la mémoire dans toutes ses dimensions, ce voyage temporel intérieur, qui devra être élucidé :
« Je pense que la grande question est de comprendre comment les souvenirs sont codés, conclut la directrice de l'étude.
La mémoire épisodique est la mémoire de ce qui s'est passé, quand et où.
Les cellules temporelles pourraient fournir l'échafaudage pour représenter le « quand » et
de nouvelles preuves suggèrent que ces mêmes neurones de l'hippocampe seraient également capables de coder le « où » est le « quoi », fournissant un cadre plus large pour le codage des souvenirs. »